Expérimenter pour mieux dérèglementer : nouveau credo du Ministre de l’Éducation Nationale à Rouen le 8 décembre

Voici un communiqué du SNUPDEN-FSU, syndicat des personnels de direction de la FSU.

Vendredi 8 décembre à Rouen, Jean-Michel Blanquer a décliné la feuille de route de la nouvelle région académique Caen-Rouen. Un projet intitulé « Normandie du futur », que le Ministre veut innovant et expérimental, quitte à faire sauter bon nombre de verrous. La préfiguration d’une nouvelle Éducation nationale-régionale ?

Face à 300 cadres des académies de Caen et de Rouen, et aux côtés de Fabienne Buccio, Préfète de Région et de Denis Roland, Recteur de la nouvelle académie, le Ministre de l’Éducation Nationale a décliné la feuille de route de la nouvelle grande académie. Les évolutions attendues d’ici deux ans sont majeures, l’objectif étant de faire de la « Normandie du futur » un terrain d’expérimentation de ce qui pourra être décliné sur l’ensemble du territoire. Quitte à tout dérèglementer et casser définitivement le service public national d’éducation.

Partant de l’idée qu’il faut « revitaliser les territoires ruraux » et que la nouvelle entité académique compte trop de petites écoles et de petits collèges, le Ministre a invité les cadres à :

• s’engager sur le terrain de l’expérimentation, quitte à déconstruire la notion de classe « dans un collège de 110 élèves ».
• mettre en place des établissements publics du socle commun car les structures administratives actuelles ne doivent pas demeurer pour elles-mêmes. (Les inspecteurs du premier degré apprécieront…)
• répondre aux besoins des élèves et du terrain, en particulier des entreprises et de la collectivité territoriale. Pour le Ministre de l’Éducation Nationale, les établissements doivent être en mesure de s’adapter, de répondre beaucoup plus rapidement aux besoins du terrain, quitte à déroger aux calendrier habituels de certification des élèves.

Enfin, les lycées devraient bénéficier davantage d’autonomie, en matière de recrutement des personnels avec une possibilité plus grande de postes à profils.

La réduction de la dépense publique en point de mire

Le Ministre de l’Éducation Nationale sait pertinemment que l’innovation et l’expérimentation sont deux valeurs fortement connotées. Mais personne n’est dupe du fait qu’elles serviront d’abord et avant tout la réduction de la dépense publique. Le corollaire de cette politique est la mise en concurrence des établissements, politique contre laquelle le snU.pden FSU est fermement opposé.

Elle déstabilise les établissements et met également les personnels en souffrance. S’il faut reconnaître que depuis 1985, la décentralisation a globalement apporté des effets positifs, en particulier dans l’investissement et l’entretien des bâtiments, rien ne dit qu’une nouvelle étape apporte de nouveaux progrès. Depuis 2008, les collectivités ont vu leurs dépenses augmenter et l’éducation devenir un enjeu électoraliste local au détriment de l’intérêt général et de l’équité nationale. Faire disparaître des échelons administratifs, c’est aussi faire peser sur les personnels restant la charge administrative déjà bien lourde.

Si le besoin des élèves est effectivement la préoccupation du Ministre de l’Éducation Nationale et du gouvernement, il ne peut se faire par une campagne de communication reposant sur une vision fausse et fantasmée de l’école : dictée quotidienne, chorale à tous les étages, abandon du téléphone portable.

D’abord et avant tout, l’École a besoin que l’on ne fasse plus d’elle-même un enjeu politicien et électoraliste. Elle a besoin de la continuité des politiques publiques et non pas de va-et-vient incessants et de critiques blessantes des acteurs qui y sont quotidiennement impliqués. Enfin, le discours managérial du Ministre, qui évoque l’école de la confiance, la liberté et le pragmatisme, laisse les acteurs de l’Éducation nationale à la fois amers et sceptiques tant il est en contradiction avec ses propres actes.

Les personnels de l’Éducation Nationale sont aussi des acteurs de terrain, engagés et conscients des enjeux locaux et nationaux. Il serait bon que cela aussi soit entendu.